Terre
Banner
ÉdithDieterPaulChristian V.Gén DallaireChristian
   
<-- Retour
Michel Gervais, l’ex-recteur de l’Université Laval a tiré sa révérence
Un gros merci à un Grand Québécois
  
Michel

Michel Gervais
1944-2022

Le 9 juin 2022

Par Édith Mukakayumba, Ph. D.

Il y a peine un mois, Michel et moi parlions au téléphone. Je savais qu’il était très malade depuis un peu plus d’un an mais j’ignorais que c’était pour la dernière fois. Même s’il m’annonçait que la situation s’était détériorée, qu’on venait de lui amputer une jambe. Sur un ton rassurant, il me répétait qu’il gardait l’espoir de s’en sortir.

En fermant le téléphone, je me suis demandée si j’étais naïve au point de croire à ce qui me paraissait impossible. Mais je me suis dit qu’il avait peut-être raison. En effet, si l’ex-premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, était passé par là (ce 1er décembre 1994 que nous n’oublierons jamais!), pourquoi ne pas m’accrocher à l’espoir que ce pourrait être le cas pour l’ex-recteur de l’Université Laval? À tous les jours, je priais pour que le Bon Dieu fasse un miracle et donne encore quelques années à vivre à ce Grand Québécois que j’ai eu le privilège de connaître et d’apprécier. La nouvelle de son décès m’a profondément bouleversée. Mais ayant compris que les Grands hommes ne meurent pas, je m’accroche à l’espoir que son héritage lui survivra. Et j’en profite pour envoyer mes très sincères amitiés à toutes celles et à tous ceux qu’il laisse dans le deuil.

Lorsque j’ai fait la connaissance de Michel Gervais, il était vice-recteur à l’enseignement et à la recherche. Peu de temps après, il a été élu recteur. J’étais alors étudiante au doctorat en géographie et membre du Conseil de l’Université Laval (devenu le Conseil d’administration sous son mandat) où je représentais l’UGIL (Union des gradués inscrits à Laval). Surtout, j’étais une jeune maman monoparentale qui tentait de terminer ses études, tout en élevant seule un très jeune garçon. À ce titre, j’étais responsable de la garderie, L’Univers des enfants (aujourd’hui intégrée dans Le Centre de la petite enfance La Petite Cité) que j’avais créé quelques années plus tôt pour les enfants des étudiantes et des étudiants de l’Université Laval.

Lorsque j’ai expliqué au vice-recteur Michel Gervais que les services de garderie offerts par L’Univers des enfants étaient l’un des facteurs essentiels à l’avancement de la recherche, notamment en l’occurrence, à la production des mémoires de maitrise et des thèses de doctorat (même si cette garderie accueillait aussi les enfants des étudiants du premier cycle), il m’a immédiatement promis son soutien. Et il a tenu parole. Non seulement pour la garderie mais aussi dans d’autres projets où j’ai eu besoin de son soutien.

Avec le temps, le développement de notre relation – basée essentiellement, au départ, sur les échanges relatifs aux intérêts des parents étudiants, et à ceux des étudiants africains – m’a permis de découvrir en lui un administrateur particulièrement sensible aux causes de l’ensemble des membres de la Communauté universitaire, toujours prêt à défendre les intérêts et à résoudre les problèmes de tout le monde. Mieux encore, sous les masques de cet administrateur, j’ai découvert un homme profondément humain, très généreux, très respectueux de tout être humain, et ce, quel que soit son rang social.

Après mes études, terminées en 1990 (couronnées par un Ph.D. en géographie), notre relation a évolué sous forme d’une amitié qui n’a cessé de grandir, dont je me suis toujours sentie valorisée et honorée. Par nos échanges, lors desquels il se livrait sans tabous, j’ai découvert un homme très sensible, doué d’une capacité de comprendre des situations complexes, dont le génocide et l’ensemble de la tragédie qui ont rendu le Rwanda tristement célèbre à compter de 1994, était représentatif. Relativement à ce dernier cas en particulier, Michel a toujours été le pilier sur lequel je me suis appuyée. Il pouvait aussi compter sur moi à tout moment pour trouver du support nécessaire en cas de problèmes.

En définitive, que ce soit par les relations de travail, ou par l’amitié, le Michel Gervais que j’ai connu incarnait à mes yeux l’image d’un Grand Québécois. D’ailleurs, au moment d’écrire ces lignes – en français – je réalise, une nouvelle fois, que le développement de ma relation avec Michel Gervais a été étroitement associé à l’héritage d’un autre Grand Québécois, le Père Georges-Henri Lévesque (qui nous a quitté en 2000), que nous avions en partage et qui était souvent l’objet de nos conversations.

Fondateur de l’Université nationale du Rwanda (UNR) en 1963, ce Père dominicain atypique a amené avec lui, au Rwanda, d’autres Québécois qui ont enseigné et transmis les plus belles valeurs de la culture québécoise aux Rwandais. Graduée de premier cycle (baccalauréat en géographie) de cette université en 1974, j’ai eu le privilège d’être de ceux qui ont connu bon nombre de ces Québécois, bénéficié de leurs enseignements et de leurs valeurs et noué avec certains d’entre eux des relations, de travail et personnelles, qui ont facilité mon intégration harmonieuse dans la société québécoise.

Arrivée au Québec en 1974 pour poursuivre mes études de deuxième cycle (maitrise) à l’Université Laval grâce à une bourse d’études de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), j’ai été privilégiée de baigner dans l’environnement marqué par le Père Georges-Henri Lévesque et de jouir des retombées de sa réputation. Dès que mes interlocuteurs apprenaient que j’avais fait mes études à l’UNR, ils réagissaient presque toujours avec étonnent et fierté : l’Université du Père Georges-Henri Lévesque! Et ils me traitaient avec un énorme respect. Petit à petit, j’ai appris que le fondateur de l’UNR était un homme très respecté au Québec. Et, pour cause, non seulement ce fondateur de la faculté des sciences sociales de l'Université Laval (1943) avait formé au moins une génération de grands leaders québécois mais aussi il avait participé activement au lancement de la Révolution tranquille au début des années 1960, et ainsi pavé la voie à un Québec souverain.

La perte de Michel Gervais, après celle du Père Georges-Henri Lévesque, est pour moi l’occasion de dire encore merci à ces géants québécois qui nous ont transmis le meilleur d’eux-mêmes et, par eux, le meilleur du peuple québécois.

 

Édith Mukakayumba, Ph. D.